CJUE 8 juillet 2021, n°C‑295/20 : Question préjudicielle, Lituanie c. Sanresa

Une entreprise a vu sa candidature dans le cadre d’une procédure de passation de marché de service, de gestion des déchets dangereux, rejetée. Son rejet est justifié par le pouvoir adjudicateur par la non-présentation des autorisations d’effectuer des transferts internationaux de déchets.

L’entreprise a vu ses requêtes rejetées tant en première instance qu’en appel. A la suite de son pourvoi en cassation, la Cour suprême de Lituanie a soumis à la Cour de justice de l’Union européenne, une série de questions préjudicielles.

En particulier, la Cour a dû s’interroger sur la question de savoir s’il était possible que l’offre d’un soumissionnaire soit rejetée au seul motif que celui-ci n’apporte pas la preuve, au moment du dépôt de son offre, qu’il satisfait à une condition d’exécution du marché concerné (en l’espèce, le consentement des autorités compétentes au transfert international de déchets), alors que le pouvoir adjudicateur n’exigeait pas expressément cette preuve.

La Cour a, en premier lieu, rappelé le principe selon lequel, si un pouvoir adjudicateur doit mentionner une condition d’exécution dans l’appel à la concurrence ou dans les documents de marché, l’omission d’une telle mention ne saurait entacher la procédure de passation d’irrégularité lorsque la condition d’exécution du marché en cause découle clairement d’une réglementation de l’Union applicable à l’activité concernée par le marché et du choix d’un opérateur économique de ne pas exécuter le marché sur le territoire de l’État sur lequel se trouve le pouvoir adjudicateur.

Elle a, en deuxième lieu, rappelé qu’un soumissionnaire est tenu, pour pouvoir être admis à participer à une procédure de passation de marché, de démontrer qu’il satisfait, lors du dépôt de son offre, aux critères de sélection qualitative énumérées à l’article 58, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à c), de la directive. En revanche, il peut attendre de se voir attribuer le marché pour apporter la preuve qu’il remplit les conditions d’exécution du marché.

En effet, les critères de sélection qualitative permettent au pouvoir adjudicateur de n’admettre à soumissionner que des opérateurs économiques dont les capacités techniques et professionnelles, fondées sur leur expérience récente, laissent augurer qu’ils seront en mesure d’exécuter le marché en cause, en obtenant, au besoin, les autorisations ou la logistique requises. En outre, le fait de contraindre les soumissionnaires à satisfaire à toutes les conditions d’exécution du marché dès la présentation de leur offre constitue une exigence excessive qui, partant, risque de dissuader ces opérateurs de participer aux procédures de passation de marchés et, ce faisant, méconnaît les principes de proportionnalité et de transparence garantis par la directive.

Par conséquent, elle en déduit que la directive s’oppose à ce que l’offre d’un soumissionnaire soit rejetée au seul motif que celui-ci n’apporte pas la preuve, au moment du dépôt de son offre, qu’il satisfait à une condition d’exécution du marché concerné.

Enfin, notons également que la Cour précise, à l’occasion d’une autre question, que contraindre un opérateur économique à satisfaire toutes les conditions d’exécution du marché, au moment du dépôt de la candidature, est excessif. Ainsi, l’entreprise doit disposer d’un temps pour déposer la preuve de l’obtention de l’autorisation.

La Cour de justice de l’Union européenne permet ainsi de restreindre les exigences des pouvoirs adjudicateurs qui pourraient se laisser tenter par une éviction précoce des candidats.

Alexandre Riquier
Avocat associé

Clarisse Prieur—Marnier
Juriste stagiaire