CJUE, 19 juin 2019, Meca Srl contre Comune di Napoli, aff. C-41/18
La commune de Naples avait lancé un appel d’offres en vue de l’attribution d’un marché public de services portant sur la restauration scolaire pour l’année scolaire 2017/2018.
Au titre de l’année scolaire précédente, la société SICO, candidate à ce marché, avait conclu avec la commune un contrat de prestation de services de restauration scolaire qui avait été résilié, en raison de cas d’intoxication alimentaire.
En conséquence, le marché public de restauration scolaire, au titre de l’année scolaire 2016/2017, avait été attribué à la société Meca qui avait été classée deuxième à l’issue de la procédure relative à l’appel d’offres organisé en vue de la passation de ce marché public.
Par procès-verbal du 1er août 2017, la commune a autorisé Sirio à poursuivre sa participation à cet appel d’offres pour le lot pour lequel elle avait soumis une offre.
La société Meca avait contesté la participation de Sirio au nouvel appel d’offres devant le tribunal administratif régional de Campanie, considérant que la commune aurait dû écarter sa candidature, ce qu’elle n’avait pas fait en raison de la contestation introduite par la société par Sirio contre la résiliation du précédent contrat.
En effet, l’article 80 du code des contrats publics italien prévoit la possibilité d’exclure un candidat si les pouvoirs adjudicateurs démontrent, par des moyens appropriés, que l’opérateur économique s’est rendu coupable de fautes professionnelles graves, de nature à mettre en doute son intégrité ou sa fiabilité.
Font partie des fautes professionnelles graves, les défaillances importantes dans l’exécution d’un contrat de marché public antérieur ou d’une concession antérieure lorsque ces défaillances ont donné lieu à leur résiliation anticipée, non contestée en justice ou confirmée à l’issue d’une procédure juridictionnelle, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable.
Dans le cadre de ce litige, le tribunal a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE une question préjudicielle concernant l’interprétation de l’article 57, paragraphe 4, sous c) et g), de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014.
La Cour estime que l’article précité doit être interprété en ce sens « qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’introduction d’un recours juridictionnel contre la décision de résilier un contrat de marché public prise par un pouvoir adjudicateur en raison de défaillances importantes survenues lors de son exécution empêche le pouvoir adjudicateur qui lance un nouvel appel d’offres de porter une quelconque appréciation, au stade de la sélection des soumissionnaires, sur la fiabilité de l’opérateur concerné par cette résiliation ».
Selon la Cour, aux termes de l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24, « [l]es pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas [visés à cette disposition] ».
Il en résulte selon elle que c’est aux pouvoirs adjudicateurs, et non pas à une juridiction nationale, qu’a été confié le soin d’apprécier si un opérateur économique doit être exclu d’une procédure de passation de marché.
Elle rappelle également que la faculté dont dispose tout pouvoir adjudicateur d’exclure un soumissionnaire d’une procédure de passation de marché est tout particulièrement destinée à lui permettre d’apprécier l’intégrité et la fiabilité de chacun des soumissionnaires.
En effet, ces deux causes d’exclusions se fondent sur un élément essentiel de la relation entre l’adjudicataire du marché et le pouvoir adjudicateur, à savoir la fiabilité de l’adjudicataire, sur laquelle repose la confiance que le pouvoir adjudicateur lui accorde.
Elle précise également qu’aux termes de l’article 57, paragraphe 5, de la directive 2014/24, les pouvoirs adjudicateurs doivent pouvoir exclure un opérateur économique « à tout moment de la procédure » et non pas seulement après qu’une juridiction a rendu son jugement.
La cour juge que l’article 80, paragraphe 5, sous c), du code des contrats publics italien n’est pas de nature à préserver l’effet utile de la cause facultative d’exclusion prévue à l’article 57, paragraphe 4, sous c) ou g), de la directive 2014/24 dans la mesure où le pouvoir d’appréciation que l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 confère au pouvoir adjudicateur est paralysé du seul fait de l’introduction par un candidat ou un soumissionnaire d’un recours dirigé contre la résiliation d’un précédent contrat de marché public dont il était signataire, alors même que son comportement a paru suffisamment déficient pour justifier cette résiliation.
En conséquence, elle juge que l’article 57 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’introduction d’un recours juridictionnel contre la décision de résilier un contrat de marché public prise par un pouvoir adjudicateur en raison de défaillances importantes survenues lors de son exécution empêche le pouvoir adjudicateur qui lance un nouvel appel d’offres de porter une quelconque appréciation, au stade de la sélection des soumissionnaires, sur la fiabilité de l’opérateur concerné par cette résiliation.
Rappelons que l’article L. 2141-7 du code de la commande publique dispose que : « L’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui, au cours des trois années précédentes, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnées par une résiliation ou ont fait l’objet d’une sanction comparable du fait d’un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l’exécution d’un contrat de la commande publique antérieur ».
Eric GINTRAND
Avocat associé